La valse triste des orchestres
En Italie, après le départ du maestro Riccardo Muti, lassé, dit-on, de travailler sous la menace permanente de grèves, le surintendant de l’Opéra de Rome licencie chœur et orchestre et décide d’en engager désormais au coup par coup. Et d’inciter les artistes licenciés à monter une société avec laquelle l’Opéra passera contrat. En même temps, on se demande si l’Opéra de Rome ne fait pas peser sur les musiciens le poids de sa mauvaise gestion (sa dette se monte à 29 millions d’euros)…
En Allemagne, pays où l’orchestre symphonique est roi, on sait désormais que la fusion des deux orchestres de la Südwestrundfunk se fera en 2016. Des musiciens de toute l’Europe et au-delà se sont mobilisés contre la disparition d’un des orchestres de la SWR, mais cela n’aura guère pesé face aux 5 millions d’euros d’économies escomptés.
Aux Pays-Bas, l’Orchestre du Concertgebouw, en déficit, est contraint de demander une rallonge budgétaire au gouvernement, lequel gouvernement n’a cessé, depuis deux ans, d’opérer des coupes claires dans le budget des orchestres qu’il soutenait.
Au Danemark, on annonce la fin de l’Orchestre de chambre national, pour des raisons budgétaires. La Radio danoise ne comptera alors plus qu’un seul orchestre.
Et en France ? En Basse-Normandie, les élus – ceux de la ville de Caen et ceux de la région – ont décidé de couper les vivres aux Arts florissants qui y sont en résidence depuis vingt-cinq ans, jugeant sans doute que l’ensemble de William Christie ne s’investit pas assez sur place. Mais si les Arts flo déménagent, quelle perte d’image pour la capitale de la Basse-Normandie !
A Montpellier, l’Orchestre et l’Opéra risquent d’être déclarés en cessation de paiement à la fin de l’année, faute du versement de la subvention du conseil régional.
Enfin, à Radio France, la réforme voulue par le nouveau directeur de la musique ne se fait pas en douceur (il s’agissait de mettre en commun l’administration des deux orchestres). A l’Orchestre philharmonique, les musiciens ont fait grève, tandis que le futur directeur musical s’est opposé, par voie de presse, à cette réforme… La proximité de l’inauguration du nouvel auditorium a sans doute contribué au dénouement de la crise, la direction de Radio France abandonnant (provisoirement ?) ses propositions de réorganisation.
Toutes ces événements ont un point commun : on veut dépenser de moins en moins pour la musique classique !
Ce n’est pas encore la règle générale : nombre d’élus savent bien ce qu’un orchestre en forme rapporte à leur ville ou à leur région, des mécènes n’hésitent pas à compléter généreusement la manne publique… mais la multiplication des exemples inquiétants devrait inciter chacun, et les musiciens les premiers, à la vigilance, à l’innovation et parfois à la remise en question. Sinon, la valse risque de continuer…
Philippe Thanh